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INTERVIEWS

Mathilda Motte

"Je suis entrée dans l’univers de la pâtisserie japonaise par la petite porte du mochi"

Fondatrice de La Maison du Mochi *, Mathilda Motte décline son appétit de douceur et de nuance à la japonaise dans des pâtisseries végétales qui témoignent avec subtilité des saisons et de leurs variations. La petite porte du mochi est grand ouverte sur la nature.
  • D’où vous vient ce que votre préfacière, Ryoko Sekiguchi, nomme votre "âme japonaise" ? Quel chemin intérieur, et/ou contexte extérieur, vous a menée, en tant que Française,  jusqu’à cette célébration des saisons japonaises en pâtisserie ?Je suis entrée dans l’univers de la pâtisserie japonaise par la petite porte du mochi, que j’ai découvert lorsque je suis partie vivre au Japon, en 2011, et plus particulièrement du daifuku qui est un type de mochi (c’est-à-dire pâte à base de riz gluant) en forme de boule, fourré d’une crème de haricot sucrée. Je suis tombée amoureuse de cet univers de douceur et de nuance au point d’avoir eu envie de découvrir toutes les autres pâtisseries de ce style. Ces pâtisseries japonaises, que l’on appelle wagashi, sont conçues comme un hommage aux saisons et à leurs variations.
  • " 72 saisons au Japon". Comment, quand et où en avez-vous pris conscience ?À vrai dire, il y a bien plus que 72 saisons ! À quoi invite le kyûreki, l’ancien calendrier traditionnel ? À observer toutes les infimes variations de la nature qui ne cesse d’évoluer. À la base, ce calendrier était utilisé par les agriculteurs, mais il est aujourd’hui apprécié pour sa charge poétique : c’est un support d’émerveillement quotidien.
  • Quels sont, dans la nature, les signes sensibles de passage de ces saisons qui vous touchent le plus ? Il y a beaucoup de passages que j’aime, je n’en citerai que trois. J’adore le moment où les température chutent, au même titre que les feuilles. Je n’apprécie personnellement pas trop la chaleur, alors j’accueille toujours ce passage avec soulagement et émerveillement. Un peu plus tôt dans la saison, dès la fin du mois d’août, j’aime beaucoup lorsque la fraîcheur vespérale est de retour. Le matin, les étangs fument littéralement du fait de cette différence : c’est féérique. Enfin, fin février-début mars, lorsque les branches des arbres sont toutes nouées de bourgeons, prêts à exploser pour le feu d’artifice du printemps. Personnellement, je ressens dans mon propre corps cette montée de sève, avec l’énergie qui revient.
  • Quelles sont vos douceurs japonaises préférées ? Comment vous situez-vous par rapport à l’art traditionnel japonais du wagashi ?Je n’ai été formée par aucun maître wagashi, et je n’ai vécu qu’une année au Japon. Je ne m’inscris donc clairement pas dans la tradition. Je me sens comme une Française, qui admire de l’extérieur cet art multi-centenaire, et qui s’en inspire pour créer des pâtisseries différentes, végétales, qui font la part belle aux saisons. Mon wagashi préféré est sans conteste le daifuku, et plus particulièrement l’ichigo daifuku : un mochi fourré d’anko (crème de haricot rouge sucrée) et d’une fraise fraîche. On le déguste une fois le printemps bien installé, en mai. C’est un pur chef-d’œuvre. J’aime également l’uguisu Mochi, que l’on déguste en février, alors que le printemps arrive en toute discrétion. C’est un wagashi en forme d’oiseau.  On n’imite pas de manière réaliste ce petit oiseau vert, on en évoque juste la silhouette de façon minimaliste : c’est très beau ! Une fois la forme identifiée, l’oiseau n’en devient que plus vivant et charmant par le travail de l’imagination. Ce principe de métaphore, de reconstruction par le regard ou l’imaginaire s’appelle Mitaté 見立.