Une vie de hibou

Bouleversant. Après sa lecture, nous savons que ce récit de Carl Safina fait désormais partie de nous. Alfie, la petite hibou, a beau s’être envolée au-delà de son histoire d’animal blessé et délicatement soigné, tendrement aimé, elle revient dans notre esprit comme un témoin essentiel de notre lien subtil avec la nature. On se surprend à avoir besoin de se remémorer cette histoire de beauté poétique profonde, de “réalité contigüe à notre expérience humaine”. Elle nous ravive après nous avoir ravi·e. “Des invitations sont gravées sur tous les rochers, sur toutes les feuilles et dans les paroles du chant de chaque oiseau. Si nous les acceptons et si nous sommes présents, nous verrons que ce sont les histoires de milliers de milliards d’années qui font pousser chaque brin d’herbe, qui dessinent un rêve de bruissement dans chaque ombre mouvante.” Il s’agit ici, l’auteur le souligne, d’atténuer la sensation habituelle de frontière contrastée entre les espèces et de ressentir toutes les ouvertures qui se dessinent en nous. L’irruption d’une petite hibou dans sa vie lui permet d’accueillir une nouvelle perception de lui-même à travers une relation intime, puissante, et il nous en fait don. Sur près de 500 pages de description aérienne d’un quotidien harmonieux et sensible avec Alfie, il déploie son récit comme les ailes d’une réalité parallèle qui s’offre à lui. Et, très vite, à nous. Il faut savourer, phrase après phrase, ce livre intense d’où la joie et l’amour émanent sans la moindre mièvrerie, avec une générosité illimitée. Savourer avec attention, reconnaissance, le bonheur rare de se sentir pleinement vivant, relié à la nature. Nous avons tant appris de notre propre sauvetage avec Alfie.

Éditions Buchet Chastel. 496 pages. 26 €