La poésie des éditions Rue du Monde sème ses graines de sublimation dans l'esprit des jeunes enfants. L'imaginaire peut alors s'y déployer et donner naissance à une confiance en soi à son tour créatrice de beauté.
LA TERRE EST BLEUE COMME UNE ORANGE
Paul Éluard Illustré par Laurent Corvaisier.
“Anthologie de poèmes de résistance, d’amour et d’espérance”. Qu’offrir de plus fructueux, aux enfants ? Armés des plus belles intentions, les mots de Paul Éluard appellent, au fil des années de la croissance des plus jeunes une conscience “poé -li - tique” qui ne les quittera plus. Bleue comme une orange, la terre restera gravée en relief dans leur imaginaire, et sans doute la métaphore les aidera-t-elle à prendre soin de leur planète, à l’échelle des menaces écologiques qui pèsent sur elle ? Princes de la fidélité éditoriale, les éditions Rue du Monde célèbrent aujourd’hui, comme tous les ans, le Printemps des Poètes, avec la publication illustrée avec force par Laurent Corvaiser des poésies du résistant, militant pour la paix, qu’était Paul Éluard. Homme convaincu au point de donner, au nom de l’amour, des ailes à la colère devant l’injustice, la violence de la guerre, la noirceur des heures. Dense, magnifique, tellement actuelle, cette sélection de poèmes dessine pour tous un socle de combats par les mots qui, comme le dit le poète, “ne mentent pas”. La terre est bleue comme une orange n’en finit pas d’éclairer le ciel de l’espérance, de dévoiler le fruit de notre amour fou de la poésie que nous entendons bien savourer plus que jamais. Et partager. Inlassablement.
Éditions Rue du Monde. 96 pages. 18,50 €
MERCI AU LOUP DE SIBÉRIE
Poème d’Albane Gellé Images de Nathalie Dieterlé
Que de “merci” ! Au loup de Sibérie, à la tortue des Galapagos, aux fous de Bassan, aux raisins de Corinthe, au piment d’Espelette, au cerisier de Mandchourie… très joliment mise en images par Nathalie Dieterlé, la beauté du monde vivante déroule comme une écharpe poétique de remerciements adressés à la biodiversité dans toutes les couleurs de ses origines. À préserver, naturellement, afin que la rareté de cette palette ne devienne plus qu’un beau souvenir dans la mémoire des humains. Animales ou végétales, les espèces méritent toute l’attention de plus jeunes devenus gardiens d’un incomparable trésor naturel.
Le poème d’Albane Gellé se conte sans difficulté, de préférence en compagnie d’un adulte qui ne manquera pas d’expliquer à l’enfant le prix de ce jeu de phrases amusant et, cependant, porteur d’une vievibrante qu’il importe de transmettre du fond du cœur. Par leur existence, ces végétaux, ces animaux, nourrissent en coulisses notre image de soi et leur connaissance par la jeune génération, la culture du monde en mouvement, se veut garante de leur survie. La nôtre à tous, en fait.
Éditions Rue du Monde. 40 pages. 17 €
Pour sa part, pas vraiment aussi poétique mais tout aussi éducatif, un album sur la vie secrète du pipi et du caca illustre l’éclectisme fertile d’un éditeur majeur d’albums pour la jeunesse.
LA VIE SECRÈTE DU PIPI ET DU CACA
Mariona Tolosa Sisteré. Adapté de l’espagnol par Laurana Serres-Giardi.
Ce livre est un morceau de génie pédagogique. Ne pas s’y méprendre : ce n’est pas parce qu’il parle de pipi et de caca, qu’il est pipi-caca. Bon à jeter dans la cuvette avant de tirer la chasse. Bien au contraire, c’est un excellent compost de connaissance de soi, très utile en terme d’éducation. Mariona Tolosa Sisteré a su prendre les choses par le bon bout : celui de l’humour et des sciences naturelles conjuguées. C’est fou ce que l’on apprend dans son album ! Et que l’on va pouvoir transmettre aux enfants par une lecture accompagnée afin de nourrir leur curiosité en la matière.
De quoi sont composés le pipi et le caca ? Comment le système digestif fait-il le tri entre ce que nous mangeons et ce que nous buvons ? Pourquoi les couleurs des pipis et des cacas empruntent-elles celles de l’arc-en-ciel (à peu de choses près) ? Entre usine à pipi ou usine à caca et positions pour le faire, en passant par catalogue de cacas et histoire au fil des siècles, la rigueur scientifique ne cède en rien à la mise en scène à la South Park du propos. Lespersonnages sont sympathiques, les cacas aussi, et il ne se dégage aucune odeur de gêne d’une page à l’autre. On s’amuse bien, et on se réjouit d’avoir trouvé un ouvrage sur le sujet qui nous donne envie de faire au mieux pour en parler simplement aux enfants dès leur plus jeune âge.
