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PÉNURIES
Renaud Duterme
Ne pas savoir que la plupart des villes ne survivraient pas, au-delà de deux à trois jours, à une rupture d’approvisionnement de nourriture relève d’une attitude d’évitement forcené. Les récentes manifestations d’agriculteurs et les menaces de blocage du gigantesque marché de Rugis ont, dans ce sens, éveillé les craintes de nombre d’intervenants de la chaîne alimentaire, sans parler de celles des citoyens. Si c’était la seule menace de pénurie majeure qui pèse sur notre avenir ! Renaud Duterme n’y va pas par quatre chemins pour décrire ce qui nous attend au regard de la mondialisation des circuits d’approvisionnement. 80 % des principes actifs nécessaires à la fabrication des médicaments les plus courants sont produits en Chine et en Inde, par exemple : en la matière, des pénuries se font jour, et elles promettent de s’aggraver. À l’horizon, proche, une vulnérabilité croissante du fait de l’épuisement des ressources, des dérèglements climatiques, des tensions socio-économiques et géopolitiques. Parce que tout risque de manquer, explique l’auteur, mieux vaut avoir pris quelques longueurs d’avance et élaboré des scénarios d’adaptation. Les gouvernants ne le feront pas à notre place et leur inertie politique continuera de leur tenir lieu de vision. Seule issue dans ce monde en contraction, et elle s’avère clairement positive : un autre système économique qui favorise la délocalisation et la décroissance afin de rendre nos territoires et nos vies plus autonomes. Une nouvelle culture.
Éditions Payot. 223 p. 20 €
HABITER LÉGER
Hameaux Légers
Tiny house, yourte, bois-terre-paille… Il fallait un guide pratique pour s’installer en habitat réversible : l’éco-centre "Hameaux Légers" l’a écrit, et bien écrit ! Loin des albums de photos tout juste légendées qui laissent le lecteur sur sa faim de références suffisantes pour envisager un projet d’habitat léger, écologique et poétique. Ici, l’habitat léger, c’est du costaud, du lourd : fruit de l’expertise de l’association "Hameaux Légers", destinée à sensibiliser le public aux différentes options d’habitat flexible. Tout y est : le cadre réglementaire, dans ses menues nuances qui n’en finissent pas de nourrir les frustrations, les exigences techniques, du terrain aux matériaux, les typologies d’habitat, les contraintes de budget, le choix des professionnels… En bref, l’ensemble des points qui auraient clairement tendance à démotiver tout le monde, faute de connaissances solides aptes à ancrer la démarche sur la durée et à faire aboutir positivement le projet, en passant « du rêve à l’opérationnel ». L’ouvrage est beau, bien édité, sécurisant. Grâce à lui, le plus difficile est fait : se lancer sans risques de mauvaises surprises pesantes s’avère possible. On se sent déjà plus léger.
Éditions Ulmer. 240 p. 28 €
LE TOUR DU MONDE DES MATÉRIAUX D’UNE MAISON ÉCOLOGIQUE
Alice Mortamet. Mathis Rager. Emmanuel Stern. Raphaël Walther.
Photos : Olivier Sabatier. Illustrations : Félix Roudier.

Trois architectes et un anthropologue : le collectif "Anatomies d’architecture" se propose de promouvoir des valeurs écologiques et durables dans le monde de la construction contemporaine. Richement illustré, étayé par une documentation impressionnante et des avis d’éco-artisans engagés, leur livre dévoile des techniques de construction avec des matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi destinés à décarboner nos habitats. À partir d’une petite maison de 83 m2, l’expérience de rénovation décrite dans ce livre de référence est probante. 0 % de béton, 0 % de plastique, et quasiment 100 % de matériaux naturels en provenance d’un rayon de moins de 100 km. L’utilisation de matériaux tels que les briques anciennes pour des murs qui respirent, les bouchons de liège recyclés en tant qu’isolant imputrescible, les pieux de robinier reconvertis en fondations sans béton, que le lecteur apprend ici à connaître dans le détail, célèbre l’ultra local. On plonge dans cet univers architectural comme dans un bain de jouvence. Ça tombe bien, il s’agit de rénovation : pour l’habitat, et pour notre esprit qui sort ainsi de l’enfermement généré par une vision très étroite du refuge sensoriel, cellulaire, que représente une maison.
Éditions Alternatives. 240 p. 28 €
GLISSEMENT DE TERRAIN
Ève Charrin
Comment on glisse du rêve au cauchemar, de la générosité spontanée d’une sobriété heureuse à l’expression d’une avidité éhontée, représentée par le cratère d’un chantier mortifère. Le récit d’Ève Charrin tient lieu de reportage au centre de la terre. À proximité du périphérique parisien, un projet de spa et de solarium menace des parcelles de jardins ouvriers, les "Jardins des Vertus". Un aménagement ? Une artificialisation des sols, un glissement de terrain : la métaphore fait sens au fil du récit, des témoignages, de l’analyse. Jardiniers en colère ou résignés, élus locaux, urbanistes, responsables institutionnels, avocats, se croisent, s’affrontent, se dévoilent dans cet état des lieux où derrière de petites victoires solidaires s’esquissent peut-être de grandes défaites écologiques. On déambule dans ces jardins, on y devine le pépiement des oiseaux, on y contemple les premières fleurs du cerisier, on se régale du prénom "Topinambour", et on tremble. On a peur de deviner la fin, le triomphe de la France moche et stérile, comme dans tant d’autres endroits du pays, mais on choisit de nourrir définitivement le combat plutôt que le découragement. La fertilisation, fût-elle utopique, du foisonnement de la vie plutôt que l’extinction programmée, sans états d’âme, de la biodiversité. Choisir son camp, envers et contre tout, ce récit affectueux et frémissant y invite.
Éditions Bayard récits. 231 p. 19 €
QU’EST-CE QUI POUSSE DANS MA RUE ?
Alexandra- Maria Klein.
Julia Krohmer

Tellement poétiques, ces petites fleurs et plantes sauvages qui poussent entre les pavés, dans les fissures des trottoirs, au pied des murs, dans les allées de gravier ou même de bitume ! Les voir surgir sur notre chemin urbain, nous interpeller dans nos pensées souvent bousculées par la précipitation du quotidien, dessine soudain un autre espace autour de nous, une autre respiration dans nos cellules saturées, sans oublier d’affiner notre regard sur notre environnement. Issue d’un mouvement européen propice à la découverte et l’identification de cette végétation ("Sauvages dans ma rue" en France, "More than weeds" - plus que des mauvaises herbes - en Angleterre, "Krautschau" - mise en lumière, en Allemagne), la démarche des deux auteures, l’une écologue, l’autre docteur en botanique, nous enthousiasme. Grâce à elles, à leurs 95 fiches de plantes les plus caractéristiques de cette flore des pavés, illustrées d’une photo et d’un dessin, on avance en bonne compagnie végétale au cours de nos déambulations en ville. Informations sur la biologie, l’écologie : ces mini-écosystèmes rebelles et généreux nous enchantent dorénavant en toute connaissance de cause.
Éditions Ulmer. 136 p. 12,90 €
VIVENT LES CORNEILLES
Frédéric Jiguet
Nous ne réalisons pas à quel point les corneilles sont présentes autour de nous. Encore moins combien  leurs difficultés quotidiennes les pénalisent. Biologiste de la conservation, ingénieur agronome, professeur au Muséum d’histoire naturelle, Frédéric Jiguet s’est penché sérieusement sur le cas de ces oiseaux qui obsèdent, entre autres citadins, bon nombre de Parisiens au point que la Ville de Paris lui confie une étude de cohabitation. Son enquête, dont il fait ici le récit, se révèle passionnante : les corneilles font preuve d’une intelligence exceptionnelle et d’une vie familiale insoupçonnée. Bagues, balises GPS, observations scientifiques multiples, permettent de décrypter avec précision les mouvements des corneilles, de prendre en compte leurs rites sociaux afin de réfléchir à une politique de préservation "éthique" (quid des expériences comportementales sur ces oiseaux ?) exempte, ou presque, de nuisances pour les habitants. Une information stupéfiante surgit dans ce récit d’aventure : le coût de la chasse, analysé par Frédéric Jiguet, s’avère beaucoup plus élevé que celui des dégâts occasionnés par les espèces "régulées". Si les corneilles ne détruisent pas les sacs poubelles et les pelouses des jardins par plaisir, il semblerait que les chasseurs, eux, ne détruisent une partie de la biodiversité que pour satisfaire leurs pulsions. Aucune utilité objectivable dans leur loisir favori. En effet, vivent les corneilles !
Éditions Actes Sud. 160 p. 21 €

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