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COUP DE CŒUR

Abrume. Sur les traces des cabanes libre.

Gauthier Delvert. Raphaël Guillemette.

On se surprend, à la lecture de cet album mystérieux et vibrant, à respirer différemment. Plus tranquillement, plus profondément. La tendresse de l’apaisement nous délivre d’on ne sait quelle oppression intérieure et l’appel de l’inspiration résonne soudain dans notre esprit, guidé par Gauthier Delvert et Raphaël Guillemette - tous deux architectes assidûment épris d’itinérances sauvages - que l’on devine en chemin vers des destinations espérées. Intrigué·e par le titre, Abrume, nous l’avons laissé imprégner notre esprit, s’étendre dans les moindres recoins de notre attention littéraire, transformer celle-ci en refuge. Murmurant et doux, le mot “Abrume” - contraction de “abri” et de “brume” - que l’on aime d’emblée mérite cette attente sans objectif, cette immersion. “Abrume” ? Une cabane qui se dévoile dans la brume épaisse après une journée de marche, nous est-il précisé. Un abri qui se dessine peu à peu. Il est vrai que, sur le chemin de ces cabanes libres, nous entendons le vent, devinons la quiétude du lieu ouvert à tout le monde mais seulement accessible à celles et ceux qui en portent le désir. Telle la liberté qui l’anime, ce désir s’avère inextinguible. À la lisière de la civilisation et pourtant pas si éloignés d’un moi intérieur autonome qui ne demanderait qu’à s’épanouir, ce patrimoine méconnu, ainsi livré à notre connaissance, nourrit un cheminement vers la beauté révélée, dans sa simplicité et son impermence singulière. L’Antique, la Chimère, le Palimpseste, la Naufragée, le Rideau… De Provence en Massif central, de Vosges ou Alpes en Pyrénées, ainsi baptisés par les deux auteurs, les abrumes photographiés dans leur magnifique isolement et dessinés ici avec de nombreux détails techniques s’inscrivent dans notre imaginaire désormais illustré par ce mot brumeux mais néanmoins étincelant que l’on se promet d’habiter au moins par la pensée, en signe de respect infini de ces derniers abris sans gardiens. Une appartenance à l’espace qui nous rappelle à l’essentiel de nous-même, en notre cœur abrume que cet ouvrage bruissant désigne implicitement.
Éditions Ulmer. 216 pages. 35 €